Allah n’est pas obligé, Kourouma dit vrai
Ahmadou Kourouma dresse le portrait amer du jeune Birahima. Les années 1990 marquent le début des guerres civiles en Sierra Leone et au Libéria. L’écrivain ivoirien nous transporte dans le monde chaotique de cet enfant tueur.
Birahima l’enfant soldat
Allah n’est pas obligé. Un titre intrigant. Pari réussi pour Kourouma. Une fois le roman achevé, mon cœur reste peiné. Sombre destin pour Birahima. A peine douze ans, il devient l’enfant de la rue et l’enfant soldat. L’empathie m’envahit. Je m’attache à ce gamin. Sa vie doit ressembler à d’autres jeunes… J’enrage. Aucune peur l’épouvante. La débrouille est la seule règle.
Suite au décès de sa mère, il quitte la Côte d’ivoire pour le Liberia. A la recherche de Mahan, sa tante, seule membre de sa famille. Libéria ou Sierra Leone ? Où se cache-t-elle ? Des pays meurtris pas des guerres tribales. N’est-ce pas dangereux pour un môme de la rue ? Yacouba l’accompagne. Gaillard à la fois féticheur, bandit, marabout multiplicateur de billets. Tombés sous les mains des forces rebelles, leur avenir est bouleversé. Birahima se transforme en machine de guerre juvénile.
Allah secours de Birahima
Allah n’est pas obligé est le leitmotiv de cet ouvrage. Cette phrase traduit la relation entre Birahama et la religion :
Allah ne laisse jamais vide une bouche qu’il a crée. p.94
Ça c’est Allah qui a voulu ça. Et Allah n’est pas juste dans tout ce qu’il fait ici-bas. Et Allah n’est pas juste dans tout ce qu’il fait ici bas. p.44
Dieu a fait de cet enfant un orphelin. Tel est son destin. Tout comme celui de sa mère. Mourir d’un ulcère. Avant le décès de sa maman et sa grand-mère, elles prononçaient ses paroles :
Allah ne donne pas de fatigues sans raison. Il te fait souffrir sur terre pour te purifier et t’accorder sans raison. Il te fait souffrir sur terre pour te purifier et t’accorder demain le paradis, le bonheur éternel. p.17
Je partage leurs dires. La religion semble la lueur d’espoir du garçon.
Un langage hybride
Le voyage s’accompagne d’expression hybride. On y découvre la folie meurtrière des guerres civiles. Le français n’est pas la langue privilégiée. On y mêle le malinké. Langue parlée par de nombreux pays ouest africains. Kourouma transpose le malinké avec un français plus ou moins cassé. C’est donc ce métissage qui en fait un roman comique et picaresque. Après tout, Birahima fait l’effort de s’exprimer en français. Il possède Le Larousse, Le Petit Robert, Harrap’s et l’Inventaire du lexique français en Afrique noire. Ma foi, quel effort !
Macabre guerres tribales
Le malinké et la description des guerres en font un ouvrage réaliste. Des reportages saissisants sur la guerre du Libéria et la Sierra Leone. Les cruautés sont détaillées. Le quotidien de l’enfant soldat est décrit. Fille, garçon, 6 ans ou 10 ans peu importe. Ils sont les nouvelles armes sanglantes. Sous l’effet de la drogue ou de grigris ils massacrent.
Les viols, les scènes de cannibalisme, les dépeçages de cadavres, le mysticisme : c’est leur quotidien. Obliger de tuer. Ils ne sont plus maître de leur esprit. Vie cauchemardesque dérobée par des adultes.
Le film de Netflix Beast of No Nation aborde l’histoire d’ Agu, aussi enfant soldat. Birahima et Agu assassinent pour survivre.
Commentaires