Les micro-travailleurs fantômes de l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle nous facilite. Algorithmes, robots… Mais sans intelligence humaine, ils sont vides. Les micro-travailleurs cachés derrière leur ordinateur entraînent et nourrissent ces machines.

Elle est partout. Une courte définition de l’intelligence artificielle : un mime de l’intelligence humaine par les robots. Un monde plus simplifié. Aucun effort à réaliser. Poser vos questions à Siri d’Apple ou Alexa de Google. En moins de 30 secondes, elles vous répondent. Aujourd’hui, elles fonctionnent assez bien. Grâce aux micro-travailleurs. Ces invisibles du web. Ils peuvent avoir la mission d’améliorer Siri, entre autre. Cela de façon continue en écoutant les conversations des utilisateurs d’Apple, par exemple. Un bon nombre d’objectifs figurent dans la liste des micro-travailleurs. C’est cette armée d’humain qui fait notre quotidien. Pas tellement l’IA*.
Travailler gratuitement
Le mensonge se propage. La machine learning (entraîner une machine) est réalisée par nous. Surprise après la lecture du livre En attendant les robots d’Antonio A. Casilli, je découvre que Google me fait « travailler ». Encore. Gratuitement ! En fait, j’améliore leur système d’authentification ReCAPTCHA. Comme vous. Lorsque vous perdez votre mot de passe, ou quand vous remplissez un formulaire un ligne, souvent, ReCAPTCHA veut savoir si vous n’êtes pas un robot. Alors vous faites un petit exercice pour prouvez votre « humanité ». Voilà tout, chers amis :
« […] Les utilisateurs forment les solutions de vision artificielle de Google à reconnaître des visages, détecter des emplacements, reconstruire des scènes qui pourront être utilisés pour suggérer des résultats sur Google Image, voire pour automatiser la conduite d’un véhicule autonome Wayno. »
Antonio Casilli, En attendant les robots
C’est pourquoi l’économie numérique a bien fait émerger de multiples nouvelles formes de travail gratuit. (Fais un tour sur mon article bien commun Iwaria VS économie numérique.)
Dans les hypermarchés, les caisses automatiques fleurissent. Tout comme pour les ReCAPTCHA, un client cette fois-ci qui utilise les caisses libres-services est un non-travailleur. Il fait les mêmes tâches que la caissière. Scanner ses articles, reproduire les gestes de celle-ci. Pourtant ces machines nécessitent une vigilance humaine. En effet, Les robots sont défaillants. Puisque l’homme est toujours obligé d’intervenir. Combien de fois ai-je demandé l’aide d’un employé car la machine était bloquée ?
Immanquables invisibles
Les micros-travailleurs sont invisibles. Visibles juste derrière leur écran. Souvent issus des pays émergents ou pauvres, ce travail se présente comme la meilleure alternative pour avoir un emploi plus au moins stable. Ils modèrent les contenus des réseaux sociaux, sites internet, traduisent, améliorent les algorithmes, enrichissent les applications mobile. Autrement dit, ils font tout. Les travailleurs du clics sont payés une misère. Certains travaillent également en Occident.

Dans le superbe web-documentaire de France TV Invisible, le témoignage de Nomena m’a interrogé :
Ce sont les riches qui exploitent les pauvres. Je travaille 6 jours sur 7. Pour ce travail, je gagne un forfait mensuel de 200 euros. Donc c’est 200 euros pour 48 heures par semaine.
Invisible, France TV
Nomena a 32 ans. Elle est malgache. Mère de trois enfants et mariée. Son métier : micro-travailleuse. Payer à moindre coût, ce métier est une alternative pour avoir en emploi stable. Cependant, le bien-être des employés, les revendications salariales ne sont pas pris en compte.
Misère et bien être négligé
Amazon Mechanical Turk est une plateforme de mise en relation entreprise, particulier et micro-travailleurs. Trouver un emploi est simple. Le journaliste Sophian Fanen de Les Jours a fait le test.
- Création du profil sur Amazon Mechanical Turk
- Vérification du profil
- Choisis tes missions
- Aval de l’entreprise ou du particulier

Le taux horaire médian est très bas. Même 2 dollars. En plus, il faut faire ses preuves pour espérer gagner un peu plus :
[… Le gain horaire est soumis à plusieurs aléas : l’assiduité du travailleur et de la travailleuse (combien de temps sont-ils prêts à se consacrer à cette activité), leur compétence (ont-ils accès à des tâches mieux payées ?) leur rapidité (à quelle vitesse sont-ils capables d’accepter les tâches et de les réaliser ?)
Antonio Casilli, En Attendant les robots
Finalement, l’imaginaire de l’IA est fausse. Des petites mains éparpillées sur terre travaillent nuit et jour dans la vue d’un besoin permanent d’autonomisation des services. Mental, bien être des employés : tout ceci n’est pas pris en compte. Priorité aux algorithmes, aux machines et l’innovation.
IA* : intelligence artificielle
Pour en savoir plus :
Antonio Casilli, « En attendant les robots » (Seuil, 2019)
The Cleaners, Hans Block et Moritz Riesewieck; Allemagne, 2018, 86 minutes, (disponible sur Arte jusqu’en octobre 2021 🙂 )
Invisible, 2020, France TV
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